Chapitre trois : Le Manoir Ensorcelé.
Préparatifs chez Mélodieux.
Les paysans des Patients moissonnaient comme leurs homologues de Finderoute. Mais ils réagirent dès qu’ils perçurent l’approche des visiteurs. Les gestes des faucheurs s’interrompaient, leurs visages se tournaient vers la route, on relevait du doigt les chapeaux de paille. Les paysannes mettaient les poings sur les hanches en penchant légèrement la tête. On vit les cavaliers s’arrêter à l’entrée du village devant une jolie fermette aux volets rouges. L’homme était un gendarme, et la femme une sorcière, expérimentée à en juger par son teint. La maison étant celle des parents de Refuse, on devina que celle-ci était enfin revenue. Les habitants des Patients avaient plus l’habitude des magiciens que des militaires. Sur l’échelle de l’étrangeté Coriace était un oiseau plus rare, et son plumage étonnait davantage. Crânement, il expliquait qu’il était en mission, pendant qu’au second plan Refuse embrassait ses parents et un jeune homme, son frère, qui n’avait que neuf ans quand elle était parti. Une de ses sœurs vint les rejoindre un peu plus tard. Mais elle ne resta pas longtemps : la moisson n’attendait pas. On se reverrait à midi.
L’âge de Refuse était difficile à deviner. En revanche, elle voyait bien comment le temps avait marqué les gens qu’elle connaissait. D’emblée on lui demanda si elle était revenue pour de bon, si elle allait reprendre le rôle de Sijesuis. En suivant ses parents aux champs, elle expliqua que non, que telle n’était pas son intention. Mais elle précisa que la suite dépendrait beaucoup de ce qu’elle découvrirait au manoir. Elle était venue pour deux raisons : rendre visite à sa famille, et trouver le grimoire de Sijesuis. Si elle parvenait à lever les dernières défenses du sorcier, on pourrait enterrer son cadavre. Sa demeure redeviendrait habitable, à qui de droit : au successeur ou à de lointains cousins du défunt. Refuse demanda où vivaient Mélodieux et Félouviaf ? Il lui paraissait normal de rencontrer celui qui avait endossé le rôle de magicien du village. Son père lui montra la direction, et lui décrivit l’aspect de la maison. « Au début, il louait une chambre chez Bravache et Ironie. Puis il s’est installé au sud des pommiers. Il en impose moins que Sijesuis, mais il nous est très utile, parce qu’il s’est spécialisé dans la magie des plantes : c’est ce qu’il nous fallait. Ses enchantements protègent les récoltes de la vermine, et préservent les arbres des parasites. Cela dit, depuis une quinzaine d’années, les rendements sont exceptionnels dans toute la région, particulièrement à Finderoute. Mélodieux n’y est pour rien, mais il prétend qu’il a quelque chose de surnaturel la dessous. Qu’est-ce que tu en penses ma fille ? »
La mémoire de Refuse la ramena dix ans en arrière :
« Je pense qu’il a raison. L’épicentre est bien à Finderoute[1]. C’est une sorte de cadeau de Sijesuis, un de ses plus beaux coups. Cependant je ne suis pas dans la confidence. Le familier Présence en savait davantage. Profitez-en un maximum, ne jalousez personne. Cette période faste n’a pas vocation à durer toujours. Seuls vos efforts pourraient la prolonger, quand la Fortune ira voir ailleurs. Les Contrées Douces sont en pleine ascension technique. Les Patients suivent-ils le mouvement ?
_ Nous serons toujours les derniers servis. Ici, c’est le lointain ouest. Répondit son père, un sourire en coin. Mais je vois où tu veux en venir, Refuse. Il soupira : tes affaires t’appellent. Va trouver Mélodieux. Nous verrons-nous à midi ?
_ Oui, mais le temps du repas seulement. Ensuite, je me consacrerai entièrement au manoir. »
La magicienne s’engagea dans la rue principale, orientée est-ouest. Coriace lui emboîta le pas en tirant son destrier par la bride. Il le confia à un paysan qui avait l’habitude des chevaux. « Soyez prudent. Il a mauvais caractère et rue facilement. Méfiez-vous des coups de sabots, et ne laissez pas les enfants s’en approcher, » conseilla l’adjudant en tendant une pièce. Il décrocha le long étui contenant son fusil. Il savait bien qu’ici les habitants ne le voleraient jamais. Toutefois, on ne pouvait exclure l’intervention d’un élément extérieur. Il passa la tête et l’épaule par la lanière. Coriace constata que Refuse était partie sans l’attendre. Avec ses longues jambes, il la rattraperait facilement. Mais à la réflexion, peut-être apprécierait-elle qu’il ne la collât pas de trop près ? Que les retrouvailles n’aient pas donné lieu à de grandes effusions ne signifiait pas que la jeune femme ne fût pas émue. En plus, elle avait un but : le grimoire, un objet précieux, l’enjeu de convoitises. Un parfum de danger planait sur le manoir. « Je dois procéder avec tact, si je veux assister à l’entretient, » pensa Coriace. Il laissa cents mètres d’avance à Refuse. Elle passa lentement au milieu des vergers chargés de fruits. Une fois elle s’arrêta pour toucher un tronc. La maison de Mélodieux était composée de parties circulaires imbriquées, surmontées de toits coniques recouverts de tuiles brun-rouge. Le gendarme pressa le pas. Il rejoignit la magicienne pile devant la porte.
Mélodieux vint leur ouvrir. Les deux sorciers se dévisagèrent. D’un côté : Refuse, en vêtements de voyage, petite et svelte, noire comme la nuit, le visage ovale, les cheveux mi-longs, le pourtour des yeux, les lèvres et les sourcils maquillés de bleu. De l’autre : un homme gris et replet, au visage un peu mou, vêtu avec goût et simplicité en nuances de brun. Il souriait. « Entrez, » dit-il en s’effaçant. Refuse pénétra dans la pièce principale avec circonspection. Son regard explora le nouvel environnement sans rien omettre. C’était une salle à manger avec table, chaises, et cheminée. Viande et légumes mitonnaient ensemble dans un petit chaudron. Deux coffres et un buffet, complétaient l’ameublement. A gauche, un rideau était tiré devant un passage. Au fond, à droite, une porte baillait sur une salle carrelée. Un violon était accroché au mur circulaire. « Félouviaf m’a averti de votre venue. » Bien à propos, l’oiseau vint se poser sur l’épaule du magicien.
« Bonjour Refuse ! Bonjour monsieur. » Pépia-t-il à l’adresse des visiteurs. « Avez-vous fait bon voyage ? » Demanda le familier.
« Oui, merci. » Répondit Refuse, un peu sèchement.
« Hum… Je vous sers quelque chose ? J’ai du cidre, la production locale… Si vous voulez bien prendre place, nous serons plus à l’aise, n’est-ce pas ? » Invita Mélodieux. Ils s’assirent.
La sorcière se plia au rituel d’accueil. D’ailleurs, elle n’eut pas de raison de s’en plaindre : le breuvage des Patients valait le coup. Puis elle déclara :
« Cet après midi je me rendrai au manoir. Je veux retrouver le corps de Sijesuis. Je revendique son grimoire. Cependant, mon maître m’avait déconseillé de rester au village, car il savait que ses ennemis enverraient des gens vérifier sa mort, éventuellement pour l’achever. Ne parlons pas des pilleurs… Alors dites-moi tout ce que vous avez appris concernant la demeure. Si grâce à vous je récupère les sortilèges du maître, je vous laisserai recopier ceux qui vous sont accessibles, et je vous en expliquerai un, parmi ceux qui vous résisterez. » Mélodieux agrippait son bol de cidre :
« Devrais-je vous accompagner ?
_ A l’intérieur ? Pas nécessairement. Mais vous pourriez rester à portée de voix. Je me suis préparée à cette expédition. A priori, ce n’est pas votre cas.
_ Non, en effet. Aujourd’hui, je m’apprêtais plutôt à soigner des ampoules. Ce matin, j’ai enchanté les faux.
_ Ah ? Quand même ! »
Mélodieux goûta le compliment. Puis il répéta à Refuse ce qu’il avait raconté à Félouviaf, trois années auparavant : « Quand je suis arrivé ici, il y a quatre ans, j’ai tout de suite repéré le manoir sur la colline. Les villageois me mirent en garde. Six ans plus tôt, l’apprentie du maître était partie du jour au lendemain, pour on ne sait où, en prévenant que toute intrusion se ferait aux risques et périls des intéressés. La veille, le sorcier avait reçu la visite d’un étranger patibulaire, qui n’était pas resté plus de quelques minutes. Évidemment, les paysans voulurent en savoir plus. Ils constatèrent que la porte était fermée. On appela Sijesuis, qui ne répondit pas. On força une fenêtre. Deux hommes pénétrèrent à l’intérieur. Ils en ressortirent bien vite, paniqués. Selon eux, c’était comme si la terreur des montagnes était venue habiter la demeure du sorcier. Pendant trois mois environ l’effet interdit toute intrusion. Mais ensuite, il s’estompa. Les habitants des Patients ont l’habitude de tester les montagnes. Ils ont fait de même avec le manoir, et se sont rendu compte que le sortilège diminuait en intensité. Au bout d’un an, la terreur ayant complètement disparu, on se risqua à nouveau dans l’antre. Cependant toutes les portes à l’intérieur étaient closes et opposaient une résistance surnaturelle aux efforts déployés pour les ouvrir. Quand enfin on en força une, celui qui avait brisé la serrure tomba à terre. On dut le ramener chez lui sur une civière. Les médecins appelés à son chevet décrivirent les symptômes d’un empoisonnement, mais tous savaient qu’il s’agissait d’un maléfice. Heureusement la victime était robuste. Elle s’en remit lentement. Je pense que la plupart des gens auraient passé l’arme à gauche. » Refuse l’interrompit :
« C’est limpide : Sijesuis a puisé de quoi protéger son repos, dans le sortilège dont il était la cible. Il espérait retourner la magie contre ses ennemis.
_ Charmant», commenta Coriace.
« Convaincus de sa dangerosité, les villageois s’abstinrent enfin d’entrer dans le manoir. Mais je tentais ma chance. J’espérais que les défenses seraient moins virulentes, et surtout que ma magie me permettrait de les révéler et, pourquoi pas, de les éviter. Je pense, en fait, que si j’ai pu pousser l’exploration plus loin, c’est surtout, parce qu’entre temps, d’autres visiteurs avaient déclenché les pièges. Ceux-là dont votre maître redoutait la visite. Je découvris un cadavre en décomposition devant un mur. Je le ramenais au village : on me certifia que ce n’était pas Sijesuis, mais il avait la peau grise, et des vêtements de spadassin. Nous l’avons fouillé : pas de bourse, un fourreau qui aurait du contenir une dague, mais pas de dague… On lui avait retiré ses gants, j’en suis sûr. Bref, quelqu’un s’était déjà servi. Donc, il n’était pas venu seul. Je retournais plusieurs fois au manoir, et découvrit deux portes invisibles, peut-être l’accès à la bibliothèque, et peut-être l’entrée de la chambre du maître. C’est devant celle-ci que j’avais trouvé le mort. Ne voulant pas finir comme lui, je ne pris pas plus de risque. Évidemment j’étais très déçu. Aussi, quand il ya trois ans, vous donnâtes de vos nouvelles, j’ai pensé que cela valait la peine de vous attendre.
_ Personne d’autre n’est venu ?
_ Parfois, la nuit, on voyait des lumières magiques se déplacer sur la colline. Les rôdeurs évitaient le village. Personne n’avait très envie d’aller leur parler. Tant pis pour les étrangers s’il leur arrivait malheur. C’étaient des sorciers : ils connaissaient les risques. Il y a dix-huit mois, au cœur de la nuit, j’aperçus des lueurs derrière les fenêtres du manoir. Félouviaf me conseilla la prudence. J’attendis. Au matin, j’allais inspecter les lieux. Je découvris des traces de lutte : meubles abîmés et traces de sang. Mais je n’eus pas à jouer les croque-morts. Soit les protagonistes s’en étaient tous sortis vivants, soit ils avaient fait disparaître les cadavres.»
Refuse considéra la décennie écoulée. La demeure de Sijesuis n’avait cessé d’attirer les curieux. Le dernier incident était très récent. Elle dit : « Ésilsunigar du Château Noir a reconnu que sa faction avait une responsabilité dans la mort de mon maître. Mais il ne l’assumait pas entièrement. J’ai refusé le dédommagement qu’il me proposait. Puis on m’a passé une lame à travers le corps. Me sentant mourir, j’ai libéré l’Horreur des Vents, qui a tout déchiqueté autour de moi : Dents Blanches, Ésilsunigar et quelques autres… J’aurais du périr, mais Bellacérée avait réuni les mages les plus puissants du Garinapiyan (et peut être bien du continent). Deux sorcières sont intervenues à temps, Diju pour me protéger et stabiliser mon état, Réfania pour me soigner. Réfania m’hébergea un temps. Je lui dois beaucoup. Selon elle, Ésilsunigar saurait transférer son esprit dans un nouveau corps. On le reverrait. Mais je ne comprends pas ce qu’un personnage aussi puissant pourrait trouver aux Patients qu’il ne connût déjà. La guerre éclata entre les Palais Superposés et le Château Noir. Je sais qu’elle dure encore, et que tout est devenu extrêmement confus. Ce n’était déjà pas très clair au départ… J’ai appris la mort de Réfania… Qui là bas pourrait encore s’intéresser à Sijesuis ? » Mélodieux et Coriace gardèrent le silence. A l’en croire, Refuse avait vécu des choses extraordinaires, même pour une magicienne. Les épreuves n’avaient pas seulement accéléré son évolution. Elles avaient également accru sa méfiance, de sorte que près d’elle, on ressentait une tension malaisée à définir, comme la latence d’un conflit qui n’aurait pas encore désigné son objet.
« Refuse va retrouver sa famille pour le repas, dit l’adjudant, auriez-vous du papier et un crayon monsieur Mélodieux ? J’aimerais coucher par écrit ce que je viens d’entendre.
_ Mais certainement, soyez mon invité. » Répondit l’hôte.
« Merci, c’est très aimable. » Il se tourna vers Refuse : « On se donne rendez-vous dans… deux heures ? Mettons deux heures ? Au pied de la colline ? »
La magicienne hocha la tête. Elle prit congé. Au moment où elle repassait le seuil de la porte, Félouviaf proposa de l’accompagner : il irait prévenir les autres quand elle serait prête. Refuse accepta : le familier pourrait faire diversion si on lui posait des questions gênantes. Refuse regrettait un peu de s’être laissée aller aux confidences. Attablée avec sa famille, la magicienne décrivit les pays qu’elle avait traversés. Elle parla beaucoup du Pont Délicat et des Montagnes Sculptées. Elle évoqua les paysans des Vallées, et acheva son récit par la reconstruction de Quai-Rouge. Son auditoire se doutait bien qu’on lui servait une version abrégée. Néanmoins Refuse avait vu tant de choses, que les deux heures passèrent à toute vitesse. Enfin, elle se leva. Félouviaf s’envola. Elle embrassa ses parents et les remercia, comme si elle repartait déjà pour un long voyage.
« Tu ne rentres pas ce soir ? Demanda sa mère.
_ Je ne sais pas. » Répondit Refuse.
Et c’était vrai. La demeure de Sijesuis commandait son avenir.
La chambre mortuaire.
Mine de rien, si les villageois avaient respecté l’intimité des retrouvailles, ils étaient tout de même curieux, voire inquiets de la tournure que prendraient les événements. D’un côté la moisson n’attendait pas, mais de l’autre, ils voulaient être prévenus rapidement s’il se passait quelque chose. On s’organisa. Les anciens se rassemblèrent sous les arbres fruitiers, au milieu des jeunes enfants jouant et courant. Ils virent le trio gravir la colline. Ils les virent entrer. Le manoir n’était pas bien grand. L’emprise au sol consistait en un rectangle biseauté de dix mètres sur douze, adjoint d’un rectangle de trois mètres de large, le long du petit côté orienté au nord. Il y avait une tourelle ronde dans l’angle nord-est, à droite par rapport à l’entrée qui faisait face au village. Refuse y avait eu sa chambre, au premier étage. A l’arrière, donc côté ouest, une abside en demi lune était collée au corps principal, dont elle occupait la moitié sud. Les niveaux étaient desservis par un escalier en hélice logé dans une tour circulaire placée au centre. On voyait sa flèche élancée dépasser du toit. Le sommet de l’édifice culminait à vingt mètres par rapport à la base des murs. Ardoise et granit donnaient à la demeure un air austère. Sijesuis ne s’était guère permis de fantaisie, excepté le lierre qui couvrait totalement la façade sud en débordant généreusement sur les voisines.
Refuse avait quitté une maison bien entretenue. Elle découvrit des volets arrachés, des vitres brisées, des meubles renversés, des objets brisés. On avait tout fouillé. Le matelas de sa chambre avait été éventré. Le sort de révélation lui confirma que la plupart des défenses étaient épuisées ou levées. Restaient donc, au premier étage, les portes menant à la chambre du maître et à la bibliothèque, invisibles aux non initiés, et sûrement capables de tuer. La révélation indiquait la présence d’un lien suspect. Le trio se tenait dans une antichambre de quatre mètres sur six, entre l’escalier central et la tour d’angle. « Je n’aurais qu’à utiliser la Porte de Verlieu, pensa Refuse, mais il serait tout de même préférable de supprimer les défenses. La question qui se pose est : pourquoi les autres n’y sont-ils pas arrivé ? » Refuse repensa au sphinx d’ombre : une épreuve insurmontable, sauf pour ceux ou celles connaissant Sijesuis. Elle aurait aimé que le maître lui eût réservé un traitement de faveur. Mais les risques encourus interdisant toute confiance excessive, elle s’accorda un temps de réflexion. « Voyons, je suis un sorcier débutant, naïf et docile. On me demande d’ouvrir la porte, je la touche, et je meurs. Maintenant, je suis un débutant prudent, j’utilise une télékinésie mineure, mais elle se révèle insuffisante pour déverrouiller. Arrive un mage confirmé. Il tente une annulation, mais il échoue. Pourtant Sijesuis n’était pas un seigneur sorcier. Sauf qu’il ne s’agit pas de sa puissance, mais de celle du maléfice qui le tua, et qu’il a détourné, comme il a créé un lien entre les Montagnes de la Terreur et son chez lui. Lien disparut après sa mort. Mais pourquoi celui du maléfice est-il resté actif ? Parce qu’il n’était pas l’œuvre de Sijesuis ? Parce que le maléfice du Château Noir aurait lui-même reposé sur un lien. Lien que Sijesuis se serait contenté de prolonger jusqu’à sa porte. Vraisemblablement l’artisan du maléfice est un mage puissant de l’entourage d’Esilsunigar. Je n’en suis pas là, malheureusement. Ce qui est étrange c’est que le Château Noir n’ait pas envoyé ici le principal responsable, ou que celui-ci n’ait pas simplement coupé le lien, après usage. Mobilisé par la guerre, peut-être… » Refuse exposa sa thèse à Mélodieux et Coriace.
« Donc, vous allez quand même employer la Porte de Verlieu, finalement, » en déduisit son confrère.
« En effet. Mais je ne peux en préparer qu’une à la fois. Si je sors du Verlieu, l’enchantement s’interrompt. Dans la chambre, il me faudra faire très attention à ne rien toucher directement.
_ Ne pourriez-vous en appeler à des mages plus… enfin supérieurs. Intervint Coriace.
_ Dans les Contrées Douces, je n’en connais pas. Mélodieux restera avec vous. Il notera mes hypothèses, afin d’en conserver une trace, dans le cas où je me sois trompée. Toutefois, ne vous éloignez pas tout de suite. Je pourrais vous parler depuis l’autre côté. Et si je réussis, je vous ouvrirai la porte.
_ Bien-bien-bien. Bonne chance alors. » Conclut Coriace.
Refuse fit apparaître la Porte de Verlieu. Elle franchit la limite lumineuse, avança de six pas, et ressortit dans la chambre de Sijesuis. Une odeur pestilentielle lui souleva le cœur. Dans ce lieu confiné, les années n’avaient pas dissipé les relents de la décomposition cadavérique. Elle toussa. « Est-ce que ça va ? » Entendit-elle. « Ça put la mort ! » Fut sa réponse. Elle masqua l’odeur, par un sort mineur ordinairement utilisé pour se parfumer. Où était la lettre ? Elle se souvint que Sijesuis l’avait décachetée dans la bibliothèque.
Elle pensa : « Il a utilisé une révélation. Il a découvert que le courrier était enchanté, ce que Dents-Blanches a confirmé. Puis il a lancé une annulation. Croyant avoir déjoué tout piège éventuel, il a ouvert la lettre… A ce moment là, il avait l’air d’aller bien. D’ailleurs, il n’a pas retenu Dents-Blanches. Il ne m’est rien arrivé. Le maléfice n’a pas frappé immédiatement sa cible. J’ai été appelée dans la chambre trois heures plus tard. En trois heures, Sijesuis a eu le temps de préparer sa défense. Il l’a accès sur des détournements. Or ce sont des pratiques difficiles… En fait, puiser dans les Montagnes de la Terreur devait être la protection ordinaire du manoir, un enchantement dont il aurait jeté les bases lors de son installation aux Patients, et qu’il aurait consolidé au fil des années. Il l’aura simplement activé quand le besoin s’en fit sentir. Puis, quand il fut question de détourner la malédiction, il se contenta de prolonger le lien, en ajoutant des destinations : un changement ne contredisant pas le but primitif. Mais pour pratiquer sa magie, il a vraisemblablement emporté la lettre avec lui avant de s’enfermer dans sa chambre. »
Refuse regarda autour d’elle. A sa gauche : le mur rond de la tour centrale abritant l’escalier en colimaçon. A sa droite : une grande horloge se dressant contre le mur précédant le biseau nord-ouest. Adossée à ce dernier, une armoire où Sijesuis rangeait ses habits. Face à Refuse, un solide buffet gardait draps et couvertures dans ses larges tiroirs. La partie supérieure servait de fourre-tout à du petit matériel. Au dessus du meuble était accroché le portrait d’une jeune femme brune, assise de trois-quarts. Le cadrage serré montrait le haut du corps. Ses dimensions, (quatre-vingts fois soixante centimètres), autant que son sujet, en faisait un point d’attraction immanquable. Pourtant la magicienne n’avait jamais posé de question à son propos. N’ayant point voulu de Sijesuis comme amant, elle estimait naturel qu’il fréquentât d’autres dames. Du reste, elle était rarement appelée dans la chambre, et jamais pour contempler les murs. Aussi ignorait-elle quel rapport existait entre l’image et son propriétaire. Le modèle pouvait être morte depuis longtemps. Le charme de révélation lui indiqua que la peinture portait un enchantement. Refuse avança, en suivant la courbe du mur de la tour centrale. Dès lors, le lit lui fit face. A sa gauche, une étagère cachait un mur pivotant conduisant à la bibliothèque. Sur sa droite, la chambre se prolongeait par l’abside de la façade ouest, percée de cinq fenêtres oblongues alignées sous la toiture inclinée. La lumière modérée entrant par ces ouvertures étroites éclairait d’abord le bureau du maître. Une pellicule de poussière le recouvrait. Le dessus était vide à l’exception d’une petite boîte posée de biais, fermée comme un cercueil. Sijesuis y rangeait son matériel d’écriture. Un beau fauteuil capitonné était placé de biais devant le lit. A l’extrémité de celui-ci se trouvait un grand coffre sculpté. Un rebord de bois de trente centimètres de large séparait le lit du mur sud. Il courait jusqu’au biseau sud-ouest. Sa longueur était divisée en sept segments, soit autant de couvercles à charnières fermant des espaces de rangement. Refuse avança de deux pas.
Le cadavre desséché de Sijesuis reposait sur les couvertures, recroquevillé en position fœtale, son crâne charbonneux tourné vers la visiteuse. Son poing gauche avait tenu quelque chose, sans doute une pierre de vie. Son bras droit était replié, la main ramenée sur le cou. Refuse inspecta la chambre sans toucher à rien. La lettre n’était visible nulle part. Le maître l’avait-il rangé dans une poche de son manteau ? Avec d’infinies précautions la magicienne manipula les pans superficiels des vêtements en se servant de la télékinésie. Elle fit léviter le corps du défunt pour regarder par en dessous. Elle retourna l’oreiller, toujours par magie. « Il n’a pas gardé la lettre sur lui, » conclut-elle. Il lui paraissait étrange qu’elle fût restée dans la bibliothèque. Mais de penser aux livres la ramena à un sujet très proche : le grimoire. Alors, elle grimaça. Était il possible que Sijesuis eût « rangé » le maléfice dans les pages de son bien le plus précieux, le plus convoité ? On pouvait difficilement émettre cette hypothèse sans qu’elle n’acquît rapidement le rang d’une certitude. « Oh, maître ! Ce n’est pas gentil ! Pas correct ! Me faire ça à moi !» Elle en tapa du pied par terre. « Trouver le grimoire ! » Songea-t-elle.
« Refuse ? Est-ce que ça va ? » C’était la voix de Mélodieux.
« Bon sang ! Je les avais oublié ceux-là ! » Marmonna-t-elle. « Oui ! Mais la lettre est cachée. Elle se trouve probablement dans le grimoire ! Je ne peux pas encore vous ouvrir.
_ Bien, nous attendons !
_ Oui, oui… Pas de précipitation… Le grimoire… Le bureau… Voyons le bureau.»
La magicienne tourna son regard vers le meuble. C’était un menuisier des Patients qui l’avait réalisé. Sa forme arquée épousait celle du mur de l’abside. Il possédait deux placards à serrure, de part et d’autre de l’espace où l’on s’asseyait. Sijesuis devait avoir les clés. Refuse vérifia qu’il n’y avait plus d’enchantement actif sur lui. Quoiqu’elle n’en trouvât pas, elle continua de se méfier. Tapotant les poches du manteau, du bout du bâton, elle fit tinter quelque chose. La télékinésie lui permit de sortir un trousseau de clés. Elle reconnut celle de la porte d’entrée, grande et compliquée. Deux autres, de taille moyenne, ouvraient peut-être la chambre ou la bibliothèque. Les deux plus petites étaient susceptibles de correspondre aux placards. Elles non plus ne semblaient pas magiques. Pourtant Refuse hésitait à s’en saisir.
Elle dupliqua la forme des clés avec un sortilège de création d’ombre. Puis elle s’en servit pour ouvrir les placards. Dans celui de droite, Sijesuis avait rangé des dossiers, des notes, des cahiers, témoignant de sa vie de négociateur. Celui de gauche était divisé en deux parties. En bas, s’empilaient d’autres dossiers, des factures, et des lettres de change. Refuse y décela une large emprunte rectangulaire, celle d’un objet lourd. Dans le casier du dessus se trouvait une reliure de cuir cousue à une solide couverture de carton. Or, malgré son épaisseur prometteuse, l’ouvrage ne comptait plus que quelques feuillets. Les traits de Refuse se déformèrent soudain sous l’effet de la contrariété. Ses yeux mouillés s’agitèrent à la recherche d’un indice réconfortant. Mais bien que son cœur protestât pour la forme, son intelligence était sûre de sa conclusion : on l’avait précédée, on avait détaché les pages du grimoire ! Ne restaient que la reliure, les sorts mineurs, et probablement, la malédiction, que Sijesuis avait collée au début. La magicienne rugit. Comment le voleur avait-il esquivé le sortilège assassin? Qui était-il ? A quand remontait l’outrage ? Avait-on encore intérêt de prendre le moindre risque pour annuler le maléfice ? Refuse se mit à faire les cents pas dans la chambre, humiliée, et peu désireuse d’avouer son échec. Finalement, elle se résolut à annoncer les mauvaises nouvelles, sur un ton sec et parfaitement désagréable.
« Vous reverrons-nous avant demain ? Risqua Mélodieux.
_ Non ! De toute façon je ne suis pas d’humeur ! Je vais me taper la lecture des dossiers ! Sijesuis avait peut-être une liste des sorciers les plus compétents des Contrées Douces. Il ou elle doit s’y trouver. Je découvrirai qui c’est, et je lui tomberai dessus comme la foudre !
_ Est-ce que la destruction de la lettre pourrait annuler le maléfice ? » Intervint Coriace. Un laps.
_ J’admets que c’est possible. Je ne voulais pas m’en prendre directement à la porte, parce qu’elle est très solide et parce qu’elle est en bout de chaîne, si je puis dire. Je vais foudroyer le support du sortilège!»
Refuse sortit les dossiers du placard de droite. Puis, elle recula, visa et lâcha sa foudre. L’énergie libérée réduisit le bureau en cendres, et brisa les vitres. Un bon air frais entra dans la pièce.
La révélation indiqua que le lien se résorbait. La porte et le cadavre étaient devenus inoffensifs. Manifestement, Sijesuis n’avait pas souhaité rendre toute intrusion impossible. Il espérait que Refuse apprendrait la Porte de Verlieu, et qu’elle se montrerait prudente. Peut-être croyait-il, qu’après sa mort, elle aurait adopté Présence comme familier. Le chat était-il informé des défenses de Sijesuis ?
Refuse replia une couverture sur le cadavre. Elle alla ouvrir à Mélodieux et Coriace. « Tout danger est écarté. Puis-je vous confier le mort ? Je vous suivrai avec les dossiers. » Mélodieux fit quelques pas dans la pièce. Il s’arrêta devant le tableau. « Qui est-ce ? » demanda t-il. « Je ne sais pas. Une amie, ou peut être une dame morte depuis des siècles, dont l’image lui plut. J’en saurais peut être plus en lisant ses archives.
_ Il y a un enchantement… Je n’en détermine pas la nature.
_ Moi non plus.
_ Cela ne vous intrigue pas ?
_ Je ne sais pas. Ce tableau a toujours était là. Il est des sujets que je n’abordais pas avec le maître. Pour moi cette image faisait partie de son intimité.
_ Je comprends… »
Pendant ce temps l’adjudant se chargea du corps. D’abord il le découvrit. Puis il l’inspecta en prenant des notes sur un calepin. Enfin il l’emballa et le transporta à l’extérieur.
Ils sortirent du manoir. Refuse avait rangé les documents dans son espace magique. Les villageois commencèrent à creuser une tombe au pied de la colline. On estima qu’un gros trou ne serait pas nécessaire. La magicienne rentra dans sa famille pour manger. Coriace logea chez Mélodieux. Plus tard dans la soirée Refuse le retrouva pour l’inhumation. Les villageois avaient apporté des torches ou des lampes à huile. Certains recouraient même à des lumières. La magicienne en créa plusieurs. Il y avait beaucoup de monde. Les anciens racontèrent la venue de Sijesuis, les travaux qu’il avait faire au manoir, ses absences prolongées quand il partait au loin. Refuse raconta un peu son apprentissage, la vie quotidienne. Elle avait eu la chance d’être formée par un polyglotte. On déposa les restes. On reboucha la petite fosse. Refuse donna de l’argent pour qu’on gravât deux plaques, au nom de son maître. Une serait ensevelit avec lui (on recreuserait), et l’autre serait exposée dans la salle polyvalente, pendant un an, puis stockée. La foule se dispersa à bruits feutrés.
Refuse commença à gravir la colline, mais ses parents lui proposèrent de dormir chez eux, dans la pièce où elle avait dormi avec ses sœurs, car le manoir n’était plus habitable en l’état. La magicienne accepta. Le lit était un meuble assez large, qui occupait presque tout l’espace disponible. Il y avait encore un coffre, dans lequel, autrefois, elle rangeait ses affaires, essentiellement des vêtements. Refuse ne l’avait pas emmené quand elle s’était installée au manoir. Ses sœurs étaient parties avec le leur.
Sitôt seule elle parcourut les dossiers et les notes de son maître. Ce dernier tenait à jour des cahiers qui lui servaient d’aide-mémoire. Elle les feuilleta, page après page, jusqu’à ce qu’elle parvint à une liste d’adresses, qui occupait à elle seule un volume entier. Le Garinapiyan représentait la moitié du total, juste devant les Contrées Douces, pour un quart. Suivaient les Vallées, la Terre des Vents, la capitale du N’Namkor, les cités de Quai-Rouge, de Sandesbraves et de l’Escalier dans la Mer Intérieure, et une région dont Refuse découvrait le nom pour la première fois : l’Amlen. Sijesuis avait donc voyagé presque partout. Les noms et les adresses étaient accompagnés de signes, croix, triangles, spirales, lettres, et acronymes au sens obscur. Certains étaient soulignés. Où étaient les mages ? Elle les trouva dans le dossier détaillant les négociations menées pour le compte du Garinapiyan. On avait fourni au diplomate des listes de noms, avec rangs, responsabilités, localisation. Sijesuis s’était employé à compléter ces informations. Il avait dressé plusieurs organigrammes détaillant les relations hiérarchiques et les influences dans la région des Palais Superposés. Au fur et à mesure il corrigeait les erreurs, affinait sa compréhension. Il attachait une certaine importance aux filiations : qui formait qui ? Par la suite il avait fait de même dans tous les endroits où sa profession l’avait conduit. Par exemple : Perspicasse des Vallées avait été l’élève de Loquace. Sur la dernière page, on pouvait lire : Pirédïnsia-Léminor-Sijesuis-Refuse. La première était morte depuis longtemps. Le deuxième résidait à Sumipitiamar. Il devait avoir dans les quatre-vingt dix ans, s’il vivait encore.
La magicienne baya. Elle aurait voulu aborder les listes des Contrées Douces, mais cela attendrait le lendemain. Elle rangea les documents et se mit au lit.
Le legs de Sijesuis.
Elle dormit bien, et beaucoup. A son réveil, ses parents s’activaient déjà dehors. Elle descendit dans la pièce principale, à la fois cuisine et salle à manger. Dans son souvenir c’est là que dormait son jeune frère.
D’ailleurs, il l’y attendait, assis sur une chaise disposée de travers par rapport à la table. A peine plus grand que Refuse, il avait les cheveux châtains, comme elle avant son initiation, des traits fins, un corps de dix-neuf ans, svelte et bien proportionné. Il portait une chemise blanche sous une veste de laine brune, des pantalons gris-bleu, et des souliers de cuir. La jeune femme se souvenait de Belazur. Désormais, il se nommait Équilibriste. « On m’a demandé de veiller sur toi, et de m’assurer que tu reprendrais des forces. » Dit-il en lui montrant le four. « C’est prêt depuis longtemps, mais comme on ne savait pas quand tu referais surface, je l’ai maintenu au chaud. » Équilibriste se leva, ouvrit la porte du four, et, à l’aide d’une pelle en bois, en ressortit une tarte aux légumes mélangés de bouts de viande. « Bon appétit. » Refuse hocha la tête, tandis que de sa gorge jaillissait un son grave ayant valeur de remerciement. Elle engloutit tout, et but beaucoup d’eau, sans dire un mot. Son frère guettait le moment où le verre était à sec pour le remplir à nouveau. Entre deux mouvements de carafe, il alimentait la conversation: « … Coriace a été plus matinal que toi. Il est passé tôt, craignant que tu partes sans lui. Il a dit que tu étais aussi compétente que ton teint le laissait présager. Nous sommes tous très fiers de ce que tu as fait. J’avoue qu’il ne me déplairait pas de connaître quelques sorts mineurs… L’adjudant a dit que tu n’avais pas trouvé ce que tu cherchais, le grimoire de Sijesuis… De lui dépendait ta félicité. Quand d’autres cherchent l’amour, toi tu veux toujours plus de formules magiques. Sinon tu deviens hargneuse. Que vas-tu faire Refuse ? »
La magicienne avait vidé son assiette. « Un peu de cidre, c’est possible ? » Demanda t-elle. « Mais certainement ! » Équilibriste alla chercher une bouteille. Il versa. Sa sœur but à petites gorgées. « C’est étrange… On dirait moi, en garçon, lâcha-t-elle en considérant son frère.
_ Physiquement, je suis d’accord », répondit celui-ci, après un temps de réflexion, « mais la ressemblance s’arrête là, Refuse. Je n’ai pas ton caractère irascible. Moi, je fais rire les filles… Or je ne crois pas que tu ais jamais fait rire un garçon.
_ En effet, mon humour fonctionne en interne.
_ Quel dommage ! Ce que j’aime dans l’humour, c’est que l’on est toujours à la limite entre deux états, la joie et la peine, la cruauté et le partage…
_ Tu es en train de m’expliquer comment tu as gagné ton nom ?
_ Oui, je suis à l’aise dans les moments tendus. J’apaise les conflits, en me mêlant à tous les partis. J’aime concilier les points de vue antagonistes, (réputés tels). Et donc, je suis l’Équilibriste des Patients.
_ Alors, tu aurais probablement aimé Sijesuis. Il t’aurait enseigné l’art de la négociation, la diplomatie, la politique. Tu es plus proche de lui, que moi qui fus pourtant son apprentie. Pour lui, la magie n’était qu’un instrument, qu’il a appris sur le tard, afin de pouvoir discuter sur un pied d’égalité avec de puissants sorciers. Mais ces gens étaient quand même bien plus forts que lui. En fin de compte, l’un d’eux a eu sa peau. De mon côté, la magie est une fin en soi. Je veux devenir une pointure du Grand Art, pour rivaliser un jour avec les mages des Palais Superposés.
_ Mais que feras-tu alors ? Que feras-tu de ce pouvoir ? Cela parait un peu stérile, ton affaire…
_ Je créerai quelque chose… Mais je ne sais pas encore quoi. Pour accomplir de grandes choses, il faut être nombreux et partager un projet, ou disposer d’une source d’énergie importante et stable, ou être soi-même très fort. Il faut savoir faire ! Quelqu’un m’a fauché le grimoire de Sijesuis. Il a intérêt de me le restituer.
_ Hinhin. Tu sais qui ?
_ Non, mais j’ai peut-être les moyens de le découvrir, en lisant les notes de mon maître. Ceux qui l’ont tué n’en avaient pas après ses sortilèges, étant d’un niveau très supérieur. Donc le fautif est certainement un opportuniste des Contrées Douces. Je suis sûre que Sijesuis le connaissait : il faisait des listes de tous ceux qu’il rencontrait. Crois moi, pénétrer les défenses du manoir n’était pas à la portée de tout le monde. En étudiant les dossiers, j’aurais vite fait d’isoler les noms des suspects. Mettons que j’y consacre le reste de la journée. Je repartirai sûrement demain.
_ As-tu besoin d’autre chose ?
_ Non, pourquoi ?
_ Parce que je vais annoncer à tout le monde que tu vas bien, que tu es pleinement revigorée, d’ailleurs tu fais des projets de meurtres, et que tu t’apprêtes à repartir pour une petite dizaine d’années.
_ C’est bien résumé, quoiqu’un peu exagéré : je devrais passer vous voir plus souvent. »
Équilibriste sortit de la maison. Refuse prépara ses sortilèges. La matinée touchait à sa fin, mais elle disposait encore d’un peu de temps avant midi. Elle se rendit chez Mélodieux. Il accepta d’échanger le charme d’amélioration contre l’invisibilité. Félouviaf était absent. Son maître l’avait « prêté » à Coriace pour porter des messages. L’adjudant avait rendu compte de sa mission, et réclamé de nouvelles instructions. « Il vous comprend, mais votre acharnement à vouloir récupérer le grimoire lui fait redouter un affrontement entre sorciers. Les Contrées Douces n’y sont pas favorables. Si vous saviez qui a fait le coup, Coriace pourrait vous aider à récupérer les sortilèges. Ne négligez pas son aide. » Refuse ne répondit rien. La présence du gendarme ne lui paraissait pas indispensable. Jusqu’à présent le seul service notable qu’il avait rendu fut de porter son défunt maître. Elle prit congé de Mélodieux, puis coupa à travers champs pour aller saluer ses parents et leurs pairs. On lui demanda d’aller chercher le plat de midi qui mitonnait depuis le matin dans un grand récipient en terre cuite, fermé par un couvercle scellé avec de la pâte. On l’avait déposé dans un four commun, où le boulanger cuisait également son pain. Les paysans dégustèrent leurs plats à l’extérieur. La température était agréable, bien qu’un vent frais soufflât du nord, chassant les nuages blancs et gris. La lumière variait au gré de leurs caprices. Profitant d’avoir autour d’elle un auditoire important, Refuse fit à tous le compte rendu de son expédition au manoir. Les habitants des Patients avaient déjà entendu la version de Coriace et de Mélodieux. Celle de la magicienne était plus complète, et plus technique. En outre, elle leur livra toute l’histoire dans sa continuité, et ne leur cacha rien, ni de ses déceptions, ni des dangers qui pouvaient subsister.
Une longue femme rousse, en robe blanche et gilet vert demanda :
« Qui va reprendre le manoir, Mélodieux ou vous ?
_ La réponse se trouve dans les dossiers de Sijesuis, que j’ai emmené avec moi. S’il a de la famille, je le saurais, et vous le dirais. Je ne suis pas assez riche pour racheter la demeure du maître, Mélodieux pas davantage. En plus des murs, il y a la bibliothèque… Dès que possible, il faudra que quelqu’un s’en occupe. Ce serait idiot de laisser le manoir redevenir une ruine. Bon, il l’intérieur est déjà très abîmé, mais les murs tiennent toujours. Comme je m’apprête à repartir, il serait logique que Mélodieux s’en occupe. Vous savez, j’ai maintenant une sorte de chez moi, loin d’ici, dans les Montagnes Sculptées. »
Tout l’après-midi, Refuse consulta les dossiers de Sijesuis, les titres de propriété et les comptes. Elle s’était installée dans la cuisine, près d’une fenêtre. C’était une tâche ingrate que de déchiffrer des lignes de chiffres, des colonnes, des tableaux et des factures. Refuse en prenait connaissance, feuille par feuille, puis elle les déposait sur la table, où Coriace les lisait à son tour. Sijesuis avait bien gagné sa vie. Cependant pour acheter le manoir, il avait vendu une maison à Horizon, le port des Contrées Douces sur la côte nord. D’où la tenait-il ? D’un héritage… Un document notarial précisait que son frère Vision avait hérité d’un bateau, et que sa cousine Méticuleuse avait reçu des terres fertiles dans l’arrière pays.
« Bien, nous avons retrouvé sa famille. Voyons s’il a laissé un testament. Proposa Coriace.
_ Il ne s’attendait pas à mourir.
_ Ce n’était quand même plus un jeunot. »
Un quart d’heure plus tard, Refuse trouva en effet une ébauche de projet de legs :
« – Le manoir et ses meubles reviendront au village des Patients, à condition que les villageois entretiennent la bibliothèque.
– En cas de refus, on se rabattra sur la cousine Méticuleuse, à condition qu’elle vive encore, sinon il sera revendu, et les sommes seront redistribuées à sa descendance.
– Le grimoire, et tout ce qui relève de la magie, revient de droit à mon apprentie, Refuse au moment où j’écris ces lignes. En l’absence d’apprenti, il conviendrait d’en faire don à Dame Tinaborésia vivant dans la région de Sumipitiamar, à Inavènessioni, rue Merol, au numéro dix-sept.
– Le portrait sera de toute façon envoyé à Dame Tinaborésia.
– Une somme de mille douceurs[2] sera remise à ÉCLOSE, résidant à Finderoute, quand elle sera en âge de se marier.
-Les archives diplomatiques seront transmises aux autorités des Contrées Douces, (qui normalement ont déjà des copies). »
« Vous voyez, si aucun document formel ne vient contredire ce projet, cela vous confirme comme l’héritière du grimoire. C’est une très bonne nouvelle pour vous ! Pointa Coriace.
_ Éclose a déjà reçu sa part. Je la lui ai apportée personnellement, il y a dix ans.
_ Je suppose que le portrait est le tableau accroché en face de la porte de la chambre. Il s’agit peut être de Dame Tinaborésia elle-même.
_ Je ne la connais pas. La peinture est en couleur. La femme représentée n’est pas grise. Notez qu’elle pourrait avoir été initiée dans une autre tradition que la mienne, s’il s’agit d’une sorcière. Elle pourrait également être maquillée, colorée par un sort, ou avoir demandé qu’on la peignît en sa carnation naturelle.»
Refuse fit apparaître plusieurs lumières magiques pour compenser le jour déclinant. « Mes parents vont bientôt revenir des moissons. Je vais mettre les couverts. Je consacrerai la soirée à chercher le nom de mon rival. » Coriace débarrassa la table de toute la paperasse. La magicienne posa les assiettes, les cuillères et les gobelets. Elle commençait à préparer une soupe, quand ses parents rentrèrent. « Équilibriste est très occupé, il viendra plus tard », dit son père.
« Lucide insinue que ton frère a une copine », commenta sa mère. « Sijesuis voulait léguer le manoir aux Patient, » annonça Refuse, que les histoires sentimentales ennuyaient. « Le village va devoir en discuter. » La jeune femme commença à servir.
« Qu’en ferions-nous ? S’interrogea tout haut Lucide.
_ Si les Patients s’agrandissaient, il pourrait devenir la mairie, ou l’école », proposa Réaliste, son épouse.
« Il y a une condition : entretenir la bibliothèque », ajouta Refuse.
« C’est peu de choses, à condition d’avoir le temps. Le village peut se flatter d’avoir de nombreux lecteurs.
_ Je m’apprête à réclamer des comptes au confrère qui m’a doublée.
_Tu sais qui c’est ? » Demanda Réaliste.
« Pas encore. Ce soir peut-être… »
Coriace les laissa après le souper. Il remercia la famille pour leur hospitalité. Il dormirait dans la salle polyvalente. Le lendemain, il exposerait au village réuni en assemblée les intentions de Sijesuis. Il faudrait vérifier s’il n’existait pas d’autres documents, mais en attendant les habitants des Patients pourraient réfléchir. Équilibriste ne reparut pas avant vingt-deux heures. Il fit une entrée discrète, et but un peu de soupe froide. Puis, il disposa sa paillasse près du foyer, et s’y allongea. Refuse, toujours plongée dans les organigrammes, savait qu’il ne dormait pas. Ses recherches avançaient lentement. Rien que pour les Contrées Douces, elle releva une centaine de noms. Ce n’étaient évidemment qu’une petite partie des magiciens du pays. La population des Contrées Douces était plutôt instruite, puisque un tiers de ses habitants savait lancer des sorts mineurs. Pourtant le pays ne comptait pas de magiciens puissants, encore moins de mages d’exception comme à Survie ou dans le Garinapiyan. Au mieux possédait-il des experts.
La jeune femme avait fini par identifier dans la spirale le petit signe qui signifiait « sorcier ». Par exemple, il précédait le nom de Dame Tinaborésia. Trois petits points désignaient un marchand dans les textes les plus anciens. Par la suite c’était devenu un triangle. Elle remarqua que plusieurs noms possédaient les deux signes. Son séjour à Convergence lui revint en mémoire. Certains hommes d’affaire se piquaient de magie. Quand leur peau devenait grise, beaucoup se maquillaient. Elle compara les organigrammes des mages et les listes des marchands. Elles se recoupaient beaucoup dans les Contrées Douces, moins dans le Garinapiyan, et pas du tout dans les Vallées ou dans la Mer Intérieure. La plupart des mages des Contrées Douces habitaient les villes, Convergence et Horizon en particulier. « Le temps a joué contre moi. » Pensa Refuse. « Je cherche quelqu’un capable de passer les murs, ayant eu vent de la mort de Sijesuis, et dont le répertoire s’est soudainement étendu. Je dois me concentrer sur les maîtres renommés et les figures montantes.» Sijesuis en avait répertorié onze :
A Horizon : Avide, Tenace et Fougue.
A Convergence : Imprévisible, Persévérant, Venimeuse, Maline, et Piquante.
A Industrieuse : Espiègle et Avisée.
A Portsud : Défiant.
Les Contrées Douces s’étendaient du sud au nord sur milles kilomètres environ, en se rétrécissant. La côte sud, comprise entre les Montagnes de la Terreur et la Terre des Vents, mesurait cinq cents kilomètres, alors que la côte nord se réduisait à une largeur de cent vingt kilomètres seulement. Refuse envisagea deux manières de procéder. Soit de commencer par le sud et de remonter progressivement, soit de se rendre directement à la capitale. La première approche offrait un premier contact avec un seul sorcier d’importance. Si Défiant n’était pas le voleur, sa situation décentrée n’en ferait pas non plus un bon informateur ; a priori. Cependant, elle pourrait peut-être échanger avec lui, et glaner quelques informations d’ordre général sur le milieu de la magie dans les Contrées Douces, et ce, sans attirer l’attention. La seconde approche la plongerait brusquement dans un milieu très riche. En peu de temps elle apprendrait sans doute beaucoup de choses, mais pas forcément ce qu’elle voulait. Entre outre, si son adversaire se dissimulait parmi les mages locaux, il pourrait frapper avant qu’elle ne l’ait reconnu. Les règlements de compte entre sorciers avantageaient les attaquants, car il était difficile de se protéger par avance d’une menace polymorphe.
« En fait, je ne connais pas mes confrères d’ici, songea Refuse. Il me faut être prudente, comme dans la chambre de Sijesuis… J’irai donc à Portsud. Mais comment aborderais-je Défiant ? Si j’entre en ville telle que je suis, on me remarquera immédiatement. Je dois donc changer d’apparence… Je sais ! Je prendrai les traits d’Équilibriste, avec une peau gris moyen de magicien confirmé. Comme ça on me prendra au sérieux, sans s’inquiéter outre mesure. » Puis, s’adressant à son frère : « J’éteins les lumières. Bonne nuit, et merci.
_ Merci ?
_ D’être comme tu es.
_ Hum, on dirait un compliment… Tu vas bien ?
_ Oui, mais fatiguée.
_ Idem. Fais de beaux rêves Refuse. »
Équilibriste vit la silhouette noire de sa sœur, guidée par une petite lueur brillant à l’extrémité de son bâton, monter l’escalier menant à l’étage. Il se dit qu’elle était devenue une vraie sorcière, en éprouvant à la fois de la fierté et de l’envie. Pourtant, il n’aurait pas changé sa vie contre celle de Refuse. Équilibriste aimait la compagnie de ses semblables. La découverte des joutes galantes avait été pour lui un ravissement : la conversation, la tendresse, réelle ou feinte, les promesses, les piques et les jeux d’esprit l’amusaient énormément. Il se sentait vide en l’absence de sentiments. De sorte qu’il guettait leur manifestation. Beau garçon et beau parleur, il adorait éveiller l’intérêt, le béguin, l’amitié, l’attrait, et enfin l’amour. C’était aussi un être généreux, auquel la vie rendait ce qu’il lui avait donné, tout simplement. A ses yeux, sa sœur s’était engagée sur une voie très différente, et terriblement compliquée. Les anciens du village, ceux qui l’avaient baptisé, se demandaient comment il faisait pour nouer plusieurs idylles à la fois sans provoquer de scandales. C’est qu’Équilibriste séduisait plus qu’il ne consommait. Lors de l’épreuve des Montagnes de la Terreur, il était allé plus loin que tous ceux de sa génération, parce que, jusqu’à un certain point, il avait accepté la peur comme une émotion positive. Équilibriste fit de beaux rêves.
Le lendemain, Refuse se leva en même temps que toute la maisonnée. La famille se réunit autour du premier repas de la journée, et c’était copieux. Les moissons demandaient de l’énergie. Lucide parla de l’électricité, bientôt au village, et du téléphone. « Autrefois, il y en avait partout. Cela revient ! » Refuse confirma que la Mégapole Souterraine n’avait pas perdu le secret des lignes électriques, mais que ses trains ne fonctionnaient pas de façon régulière. « Pourvue qu’il ne nous arrive pas la même chose ! S’exclama Réaliste. Qui sait pourquoi les anciens sont tombés ? Ce serait terrible si tout ça, le confort, le progrès, nous ramenait d’un coup en arrière. » Refuse s’abstint de commenter. La chute du Tujarsi et du Süersvoken semblait illustrer parfaitement la théorie de sa mère. Il y avait un lien manifeste entre la puissance de ces empires et leur brusque dégringolade. Cependant, les habitants de la Mer Intérieure s’entretuaient aussi bien avec des moyens plus modestes, dès que la construction navale avait repris. Équilibriste évoqua l’idée de se bâtir une maison. Il en parlait depuis quelques temps déjà. On y réfléchirait. Refuse avait désigné son frère à une entité, à charge pour celle-ci de bien l’observer. Au moment de débarrasser la table, elle annonça : « Je repars ce matin. Merci pour tout. Je ne sais pas quand nous nous reverrons, mais j’opèrerai dans les Contrées Douces au cours des prochains jours, voire des prochaines semaines. De toute façon, quand je retournerai dans les Montagnes Sculptées, je passerai d’abord par ici. » Cependant, elle ne quitta pas ses parents tout de suite. En se rendant aux champs, ils l’accompagnèrent jusqu’à la Lande fleurie de bruyères rouges. Coriace attendait. Refuse embrassa ses parents et son frère. Elle fit apparaître le cheval d’ombre, sauta en selle, et lança le galop. Le destrier de l’adjudant la rattrapa en soufflant. « Où allons-nous ? » Demanda le militaire. « A Portsud ! » Répondit Refuse.
« Je préfère bivouaquer, pour ménager mes économies », dit la magicienne, quand sa monture se fut estompée.
« Comme il vous plaira. Le temps fraichit, mais il est encore clément. Profitons-en. Cela-dit, j’ai de quoi payer l’hébergement. Ma mission est tout à fait officielle : elle est complètement couverte.
_ En quoi consiste-t-elle exactement ?
_ Je crois vous en avoir déjà parlé. Toutefois, depuis la visite du manoir, mes instructions ont été précisées : je vous protège, j’obtiens ce qui vous revient de droit sans effusion de sang, donc je protège aussi vos cibles, et j’essaie de comprendre. A terme, mes supérieurs voudraient que vous m’initiiez. En retour, nous pourrions vous rémunérer.
_ Vous n’avez pas trouvé de mages souhaitant travailler avec vous ?
_ Si, bien sûr ! Mais nous peinons encore à recruter les meilleurs, parce qu’ils appartiennent surtout au milieu des affaires. Votre profil est particulier. Par ailleurs, le meurtre de Sijesuis est un cas difficile qui nous apprend déjà beaucoup.
_ En parlant de crime, j’aime cet endroit, mais quand j’ai quitté mon village, il y a dix ans, j’y fis une très vilaine rencontre. Revoir les massifs de bruyères, expurgés de toute menace humaine, m’a réconciliée avec leur beauté sauvage.
_ Me formerez-vous ?
_ Il m’a fallu des années pour apprendre les bases avec un maître patient et méthodique. Sijesuis aimait parler aux gens. Je crains que vous supérieurs ne se fassent des illusions. En revanche, je pourrais échanger avec vous, si vous étiez déjà initié. C’est comme cela que ça marche.
_ Je transmettrai. »
La pluie les surprit en pleine nuit. Coriace monta une petite tente. Refuse matérialisa un objet similaire, noir et opaque, et sortit un pull de laine de son espace magique. Ils chevauchèrent toute la journée du lendemain, sous un ciel gris et mouvant. Autour d’eux les herbes humides ondulaient sous les rafales d’air froid. Les grands arbres du bord des routes, fredonnaient la musique du vent, un souffle puissant qui se répandait dans les frondaisons, en leur arrachant quelques feuilles en passant. Ils traversèrent de petites villes aux pavés ruisselants, et mangèrent du poisson pour une pièce d’argent. Sur la longue distance, les deux montures ne se comportaient pas pareillement. Le cheval magique galopait sans faiblir, jusqu’à son terme, alors que son homologue naturel devait se reposer à intervalles réguliers. Bref, Refuse avançait moins vite que prévu. Pour autant, elle n’en dit rien, car le destrier naturel avait aussi des avantages. Elle voyait bien que Coriace lui faisait porter pas mal de choses. Et pour peu qu’on le ménageât, il serait disponible à toute heure.
[1] Il s’agit d’Éclose de Finderoute, une jeune femme à qui Refuse porta une bourse pleine de pièces d’argent. Sijesuis l’a ramenée d’un voyage alors qu’elle n’était qu’une enfant. Depuis qu’elle est entrée dans l’adolescence, la région bénéficie de récoltes exceptionnelles. On n’en sait pas plus.
[2] Douceur : monnaie des Contrées Douces.